L’esprit du Tro-Breiz
Peut-on de nos jours imaginer aller en pèlerinage comme on le faisait autrefois ? Le Tro-Breiz dans ses origines et durant tout le temps où il fut pratiqué jadis, se faisait d’une seule traite et en toute saison : Noël, Pâques, la Pentecôte et la Saint Michel étaient les périodes les plus favorables pour entreprendre cette sanctification, et le périple pouvait durer plus d’un mois, soit quinze jours avant et après ces fêtes. Le pèlerin devait compter sur l’hospitalité pour se loger chez l’habitant et à défaut, dormait dehors, par tous les temps. Avait-il seulement un carré de toile en guise de tente pour s’abriter ? Souvent il devait mendier aussi ; si ce n’était pas par choix de mortification, c’était souvent par nécessité, car il était dangereux d’aller sur les routes avec une bourse trop pleine, et le voyage était long. Pour vêtement, toujours la même tunique ou robe de rude étoffe, hiver comme été avec la « pèlerine » qui couvrait le tout pour protéger du froid comme de la chaleur.
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Après un long oubli, à peine démenti par Anatole Le Braz au début du XIXème siècle, le Tro-Breiz est revenu en force au milieu du siècle dernier : un nouveau genre de tourisme, culturel et parfois gastronomique était né.
On vit donc cette version moderne et épicurienne du pèlerinage apparaître pour ainsi en annihiler l’essence même. On « fait le Tro-Breiz », comme on l’a vu, en voiture, en vélo, et même en bateau !
De tels excès, qui sont tout d’abord surtout des excès de langage, sont parfois tempérés par une recherche plus ou moins intense de « spiritualité »
Pour un chrétien qui se respecte, il n’y a rien qui mérite beaucoup d’attention dans tout cela, si ce n’est de considérer que prétendre faire ce pèlerinage dans cet esprit-là est une offense à ces Saints fondateurs.
Mais il faut rendre justice cependant à ce nouvel engouement de ce qu’il a été aussi le terreau d’une recherche de l’esprit authentique de ce pèlerinage ainsi que des circonstances antérieures qui en ont été la source.
Une recherche historique tout d’abord, qui a donné le jour à de très nombreux ouvrages d’une grande valeur didactique de la part d’auteurs français et anglo-saxons, à côté de livres plus documentaires qui ne sont pas sans intérêt, ne serait-ce que par l’illustration photographique qu’ils renferment, nous permettant de découvrir ou redécouvrir une Bretagne souvent bien méconnue.
Sur le plan religieux enfin, par les pèlerins eux-mêmes, ceux de la Tradition, qui fidèles à la foi catholique millénaire, vont rechercher par leur ferveur et leurs prières, dans les vestiges d’une Bretagne encore quelque peu chrétienne, la protection des sept Saints Fondateurs pour ces temps difficiles.